Victor Hugo dans ce poème clair de lune nous raconte une des légendes qui a parcouru la littérature du 19 ème siècle notamment avec les voyages en Orient et la découverte de l’empire Ottoman, un empire s’étendant de la Tunisie jusqu’au confins de l’Irak . Y a t-il un vice Ottoman ? Est-ce un sujet de femmes et d’esclavage ou de libertinage ? Une quête de Constantinople ? Victor Hugo y voit plutôt des sanglots et des sacs pesants et toujours la mer, la mer et la lune joueuse, l’attrait du voyage, le rêve du voyageur. Le texte aurait pour inspiration le harem de Topkapi.
Ce poème est présenté en lecture audio.
( Casque audio ou baf stéréro conseillés )
Clair de lune
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde, et la mer qui se brise,
Là-bas, d’un flot d’argent brode les noirs îlots.De ses doigts en vibrant s’échappe la guitare.
Elle écoute… Un bruit sourd frappe les sourds échos.
Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos,
Battant l’archipel grec de sa rame tartare ?
Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour,
Et coupent l’eau, qui roule en perles sur leur aile ?
Est-ce un djinn qui là-haut siffle d’une voix grêle,
Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?
Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? –
Ni le noir cormoran, sur la vague bercé,
Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé
Du lourd vaisseau, rampant sur l’onde avec des rames.
Ce sont des sacs pesants, d’où partent des sanglots.
On verrait, en sondant la mer qui les promène,
Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine… –
La lune était sereine et jouait sur les flots.
Victor Hugo (1802-1885) – Les Orientales