Deux.
Le curé de Bouralo traça d’un mouvement appliqué le chiffre romain sur une grande feuille blanche. Il remplissait des colonnes, préparant le budjet du culte. La première colonne était ce qu’il appelait le compte du temple. La deuxième était le compte marchand. Il s’escrimait depuis plus d’une heure à calculer la balance du compte et le résultat.
Cet entretien du sacré était devenu pour lui au fil des ans une tâche pénible mais nécessaire. Dans sa jeunesse, le curé de Bouralo n’avait pas eu les mêmes dispositions face à cet entretien du sacré.
Il était fervant, animé, l’œil vif, admirateur du culte de Délos, de l’entretien du dieu, du temple D’Appolon, de la stèle magnifiant le sacré, des tablettes blanchies, du leukoma. Mais aujourd’hui, son travail de grande peine ne lui rendait plus grace. Aujourd’hui, il pensait qu’il aurait pu avoir une autre vie, un autre chemin.
C’était la pensée d’un curé et probablement comme son prochain qu’il avait confessé de nombreuses fois, lui aussi avait ses propres démons.
Dieu coute cher lui aurait peut-être dit sa mère.
Encore jeune prêtre, il se souvenait pourtant d’une histoire qui avait parcouru la sacristie.
L’histoire des habitants de l’île de Délos et de la création d’un culte.
Etait-ce sur un vieux parchemin ou sur quelques gravures scripturales.
De là, à cette époque, il s’était vu le receveur d’un pouvoir de droit divin. Mais aujourd’hui dans le froid de son Eglise, la vanité du culte le fatiguait un peu.
Il avait confessé toutes sortes de personnes, du paysan au simple d’esprit, du bourgeois aux riches commerçants et même quelques personnages influents.
En cette période, il s’était dit : « Dieu recouvre d’une peau de chagrin la peine des hommes ».
Maintenant, il pensait : « Mon office se termine dans un mois ».
Il aurait voulu être invisible pour souffler à l’oreille de dieu : « Assez de tous ces travaux ».
C’est alors qu’à 22 heures en ce jour du 02 janvier on vint sonner à sa porte.
Une belle dame , d’une quarantaine d’année, vêtue d’un joli chapeau à la mode parisienne se présenta à lui :
-« Bonsoir Mr le curé, Mr Bouralo »
Elle venait pour sa fille. Sur le toit de l’église une ardoise brinquebalait.