La muse, fidèle inspiratrice du poète se décline sous différentes formes sous la plume de l’artiste.Si pour Baudelaire elle est malade et vénale pour Musset elle est comme une sœur prodiguant conseils et soins se faisant amie inquiète.La lecture des deux poètes nous éclaire sur la nature et le rôle de cette muse.
Dans son poème la nuit de mai, Musset nous présente sa rencontre avec la muse .Il est perdu dans une vallée
et il croit apercevoir une forme voilée, un fantôme pourrait on dire ou »une étrange rêverie ».Baudelaire dans la muse Malade l’envisage aussi dans un versant fantomatique et plus ésotérique encore puisqu’ il la voit accompagné de succube et de rose lutin.La muse est donc manifestation de l’irréel, de ce qui nous échappe ,d’un monde au delà de nous ou près de nous si l’on peut dire.Mais comment se crée se lien entre cet être d’ailleurs et le poète.La nuit d’octobre nous donne comme une réponse.
Dans la nuit d’Octobre, Musset discute avec sa Muse .Le poète souffre d’un mal qu’il dit vulgaire,l’amour d’une femme semble t-il non partagé.
Extrait de La nuit de mai
LE POÈTE
C’était un mal vulgaire et bien connu des hommes ;
Mais, lorsque nous avons quelque ennui dans le coeur,
Nous nous imaginons, pauvres fous que nous sommes,
Que personne avant nous n’a senti la douleur
LA MUSE
Il n’est de vulgaire chagrin
Que celui d’une âme vulgaire.
Ami, que ce triste mystère
S’échappe aujourd’hui de ton sein.
Crois-moi, parle avec confiance ;
Le sévère dieu du silence
Est un des frères de la Mort ;
En se plaignant on se console,
Et quelquefois une parole
Nous a délivrés d’un remord
Le dialogue présenté nous donne donc une clé pour comprendre leur rapport.C’est un mal vulgaire qui le rappoche de sa muse qui l’amène a communiquer avec elle.
Ainsi la suite du poème le prouve.
LA MUSE
Comme une mère vigilante
Au berceau d’un fils bien-aimé,
Ainsi je me penche tremblante
Sur ce coeur qui m’était fermé.
Parle, ami, – ma lyre attentive
D’une note faible et plaintive
Suit déjà l’accent de ta voix,
Et dans un rayon de lumière,
Comme une vision légère,
Passent les ombres d’autrefois.
Cette question du vulgaire se retrouve aussi chez Baudelaire dans la Muse Vénale ou la muse vient épanouir la rate du vulgaire,du mélancolique, de l’amoureux éconduit ou détruit en quelques sortes
Extrait de la Muse Vénale
II te faut, pour gagner ton pain de chaque soir,
Comme un enfant de chœur, jouer de l’encensoir,
Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère,
Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas
Et ton rire trempé de pleurs qu’on ne voir pas,
Pour faire épanouir la rate du vulgaire.
La muse de Baudelaire est donc pareil à une prostitué.
Que faut-il conclure de cette comparaison entre le vulgaire de Musset et celui de Baudelaire.Les deux poètes ne donnent pas la réponse.Si le choix de Musset semble être guidé par l’orgueil celui de Baudelaire est comme scientifique et calculé.Il faut alors revenir peut être au Moyen âge pour comprendre la muse le vulgaire et le poète,l’artiste s’élevant au dessus de son amour déçu ou de sa mélancolie pour atteindre de par les mots et le souffle de sa Muse, La noblesse des grands esprits.Cette noblesse de la poésie qui dépasserait alors le vulgaire.
A noter que Dante établit un traité de l’éloquence du vulgaire qui est compris comme la langue que parlera chaque homme, une langue naturelle en somme et personnelle à chaque homme.Le vulgaire pourrait être alors entendu comme un cocher de l’âme. Voici le lien très intéressant à ce sujet .
(http://www.e-litterature.net/publier2/spip/spip.php?page=ancientxt&cel=&repert=alice&titre=dante&num=313&id_auteur=1&crit=Alice%20Granger)
Un autre lien ou il est expliqué que Dante veut créer un vulgaire annobli (http://ehess.tessitures.org/poliglotta/traduction/unions-langues/variete-noble.html)
Extrait
« L’italien est perfectionné sur le modèle du latin. La langue vulgaire — locutio vulgaris dans le traité en latin dont Dante entreprend la composition en 1304 sous le titre de De vulgari eloquentia — est celle que les petits enfants apprennent en imitant leur nourrice quand ils commencent à parler. L’expression est au singulier, mais elle désigne la diversité des dialectes. C’est la langue de la vie quotidienne. Jusqu’au XIVe siècle, les italiens n’ont qu’une autre langue, «seconde pour nous» comme dit Dante, le latin qui assure toutes les fonctions officielles, réglé et normé par une grammatica, ce mot signifiant à la fois la grammaire et la langue écrite. L’objectif de Dante est de créer une troisième langue qui sera une forme normalisée des dialectes italiens et destinée à devenir le médium d’une littérature. C’est cette forme annoblie d’italien qu’il appelle vulgaire illustre: »
«Par le terme d’illustre en vérité, j’entends quelque chose qui illumine, et qui, illuminé, resplendit… Et le vulgaire [la langue vernaculaire] dont je parle apparaît haut levé en puissance et enseignement, et lève haut les siens en honneur et en gloire.» (4)
Proposition d ‘un poème sur la Muse
Depuis des jours anciens tu parlais à mon âme
Et je me demandais ce que cachaient les flammes
Des hommes habités par le mot et le verbe
Couchée sur le papier la sève de mille vies
Si pour te voir obscure il a fallu ce temps
De l’amour et des chants
Des complaintes perdues
C’est qu’arrivant à toi
d’un chemin clandestin
J inhalai le parfum, des choses qui se sont tues
Et si sur le rivage ma chère je puis trouver
mots et maintes pages pour donner à mon luth
la saveur de l’orage
qui va et puis s’enfuit
C’est à l’ombre de toi que passeront les luttes
glissant dans les feuillages
sur l’âme qui sourit.
(Térrog-La muse)