Atelier d’écriture: De l’enfermement et du dialogue métaphysique

Robert venait de rentrer chez lui. De grosses gouttes de pluie perlaient sur son front.

Il était étrangement pâle, presque hagard.

Sa femme l’interrogea d’une voix inquiète.

 

-Qu’y a-t-il ? Tu es souffrant ?

 

L’homme l’écarta d’un revers de la main.

 

– Laisse-moi femme, un individu a failli me faire tomber dans la rue. Je veux du calme. Je vais dans ma chambre.

 

Sa femme fut saisie d’un frisson.

 

L’homme tourna la clé de la porte de la chambre, un déclic se fit entendre.

C’était une porte d’un laqué blanc avec quelques petites dorures. Des rainures faites de spirales légères la décorait d’une touche originale.

 

La porte était donc fermée.

 

Dans la pièce, l’homme s’allonga sur un grand lit doux, moelleux  et confortable.

Son visage était livide, sa peau presque verte. Il s’enfonça dans le lit. Autour de lui, il voyait tout un monde, une sorte de cosmologie défilait sous ses yeux.

 

-Il se dit : En aurais-je la force ?

 

Il prit un linge blanc. Près du lit, une bassine d’un mélange d’eau chaude et froide était disposée à coté d’une grande armoire.

 

D’un geste difficile,  il déposa le linge humide sur son front.

 

L’eau qui perlait doucement sur  ses tempes le soulagea.

Il entendait une voix, une voix de femme, sa femme peut-être ?

 

« Roger pourquoi t’es  tu enfermé ?

 

Dans la pièce voisine Mathilde écoutait. Soudain, elle entendit un ronflement.

Son mari dormait, elle le pressentait. La porte de la chambre était fermée a clé mais elle n’était pas inquiète.

Elle se disait, tout en recousant une chemise d’un orange incarnat. Un bon  médecin  nous couterait trop cher , pauvre Roger quelqu’un lui aurait simplement collé un rhume.

Son mari était colleur d’affiche et la colle si l’on peut dire passait entre beaucoup de mains.

 

Soudain, elle entendit un grand cri, elle sursauta, son cœur battit fortement comme sous l’assaut de bruits étrangers.

 

Cinq heures venait de passer depuis l’arrivée du mari.

Mathilde se disait en elle-même. Il a fermé la porte à clé, que fait-il ?

 

Roger délirait dans son lit tout en pensant à sa journée.

Il avait collé des affiches à propos d’un évènement dont parlaient les journaux : « La France Juive ».

 

Il n’avait que ce mot en tête. Il voyait les lignes, les caractères, l’image de l’affiche et se disait :

« A qui profite donc cet affichage ? »

Il revoyait le titre de l’affiche « La France Juive ».

Sa femme Mathilde fit chauffer un bol de lait et rajouta du miel. Il faisait presque jours, un journal était étalé sur la table de la cuisine. Elle lisait quelques titres dont un qu’elle ne comprenait pas trop. Il s’intitulait : « Chassez les colonisés de la France ».

Elle se demandait, qu’est qu’une colonie ?

Elle aimait les papillons mais certains avaient une couleur marronâtre, blanchâtre, sale, presque vaudou.

A la page dix-huit du journal, il racontait qu’un cirque avec un certain monsieur Kanaya était de passage en ville.

Le cri qu’elle avait entendu, ressemblait maintenant à un petit sifflement  entrecoupé de râles rauques. Elle se dit Roger n’a pas bu. Il faudrait qu’il boive.

Roger n’en pouvait plus. Il fut pris d’une quinte de toux, une grosse toux. C’était déjà mieux, le mal qui l’avait pénétré disparaissait enfin.

 

Il se voyait là, dans son lit mais n’avait pas la force de se lever ni d’appeler. Hier encore, il avait déposé à son patron les chèques de la location d’espace d’affichage. Et il se rappela, le gros chèque de cinq mille euros. Dans sa poche trainait aussi un billet qu’on lui avait remis la veille.

 

Mathilde frappa à  la porte. Elle tourna la poignée mais celle-ci était bloquée.

En un instant, elle pensa à son mariage. Quel mur existait entre elle et son mari ?

 

Elle ne s’énerva point.

Dans d’autre cas, la situation aurait pu être kafkaïenne. Mais, prévoyante, elle avait une autre clé. Elle la glissa dans la porte. La clé de Roger tomba, un petit tintement métallique agita la maisonnée. Dans La pièce, tout était noire. Roger ne faisait aucun signe. Elle déposa le bol de lait sur une petite table de chevet, essora le linge humide, le fit tremper à nouveau dans   la bassine ; le reposa sur le front de l’époux.

Elle déposa aussi un gobelet en plastique rempli d’eau.

 

Le soleil réchauffait la maison transperçant les carreaux. Mathilde ouvrit la porte d’entrée. Au loin, près d’un trottoir, elle crut apercevoir une sorte de camelot, peut-être un gitan ou autre bohémien arrêté sur le du bord de la route. Dans la maison d’en face, elle entrevit d’une fenêtre un homme et une femme la quarantaine qui descendait un escalier, étrangement habillés. Au même moment son regard fut attiré par un petit crucifix qui semblait miroiter sur la maison voisine. Elle se dit : « tiens, se sont peut-être deux catholiques ? »

Un voisin, habillé comme pour un dimanche, passa dans la rue et lui fit un petit signe de la main.

Elle lui dit bonjour et referma la porte.

De la pièce voisine, un craquement retentit, Roger se réveillait. Il semblait sortir d’un long coma.

Il appela sa femme, mit son pantalon, but son bol de lait au miel et lui dit :

« Bon, je repars au travail ».

Sa femme sourit lui donna son manteau lui précisant d’être la pour midi.

Le colleur d’affiche regarda sa hotte. Elle contenait deux affiches qu’il n’avait pas encore collées, une parlait de la France et de L’Algérie, l’autre était une publicité pour soigner le mal de gorge.

Roger sourit mais choqué marmonna : «  les publicitaires se moquent de nous. »

 

Au loin dans la petite maisonnée, sa femme tranquille nettoyait le logis.

 

 

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A propos François Térrog

Mr Gorret François écrivant et chantant sous le pseudonyme de Mr Térrog François est un homme de 39 ans, originaire de Bretagne, qui propose des articles, des écrits, de la musique, des poèmes personnels et aussi des découvertes, des textes, des poèmes de grands auteurs ect.....

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