Chanter Alfred De Vigny , c’est probablement composer avec le génie du 19 ème siècle. On comprend à la lecture des poèmes Antiques et Modernes que Victor Hugo fasse de lui un ami. Vigny a le respect des âmes et la chaleur philosophique qui fait dire au berger : » Dryade déesse fragile ».Quel bois a t-il ainsi parcouru, il nous répond simplement: » les muses et le temps m’ont laissé la mémoire ».
La Dryade Alfred de Vigny La Dryade
Vois-tu ce vieux tronc d’arbre aux immenses racines?
*Jadis il s’anima de paroles divines;
*Mais par les noirs hivers le chêne fut vaincu.
*Et la dryade aussi, comme l’arbre, a vécu.
*(Car, tu le sais, berger, ces déesses fragiles,
*Envieuses des jeux et des danses agiles,
*Sous l’écorce d’un bois où les fixa le sort,
*Reçoivent avec lui la naissance et la mort.)
*Celle dont la présence enflamma ces bocages
*Répondait aux pasteurs du sein de verts feuillages,
*Et, par des bruits secrets, mélodieux et sourds,
*Donnait le prix du chant ou jugeait les amours.
*Bathylle aux blonds cheveux, Ménalque aux noires tresses,
*Un jour lui racontaient leurs rivales tendresses.
*L’un parait son front blanc de myrte et de lotus;
*L’autre, ses cheveux bruns de pampres revêtus,
*offrait à la dryade une coupe d’argile;
*Et les roseaux chantants enchaînés par Bathylle,
*Ainsi que le dieu Pan l’enseignait aux mortels,
*S’agitaient, suspendus aux verdoyants autels.
*J’entendis leur prière, et de leur simple histoire
*Les Muses et le temps m’ont laissé la mémoire.